Immobilier : quelle responsabilité de l’installateur d’un élément d’équipement sur constructions existantes ?

Par un arrêt du 21 mars 2024, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation opère un important revirement de jurisprudence qui n’est pas sans conséquence sur les obligations en matière d’assurance des constructeurs.

Un bref historique s’impose pour comprendre la portée de la nouvelle solution.

 

15 juin 2017 

Alors que la lettre de l’article 1792 du code civil réservait jusqu’alors la responsabilité décennale du constructeur aux seuls ouvrages, la Cour de cassation décide d’ouvrir le champ de la responsabilité décennale à ce que la doctrine a pu appeler les « quasi-ouvrages ». 

Plus précisément, la Cour de cassation a estimé que « les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination » (Civ. 3e, 15 juin 2017, n° 16-19.640)

L’insert de cheminée ou le ballon d’eau chaude (entre autres) adjoints à une maison existante étaient donc susceptibles d’engager la responsabilité décennale de l’installateur, si les désordres venaient à rendre l’ouvrage impropre à sa destination. 

Tel pouvait  être le cas, par exemple, de la défaillance d’une pompe à chaleur privant les occupants de toilette ou de chauffage.  

Cette solution était éminemment risquée pour les installateurs n’ayant pas nécessairement souscrit les assurances responsabilité décennale qui pouvaient donc voir, du jour au lendemain, leur responsabilité engagée. 

 

14 septembre 2017 

Fort de ce constat, la Cour de cassation est venue, aux termes d’une interprétation allant à l’encontre même du texte de l’article L. 243-1-1, II du Code des assurances, étendre le champ de l’obligation d’assurance en responsabilité décennale pour les éléments d’équipement installés sur existant et même lorsqu’ils sont dissociables de l’ouvrage existant. 

 

13 février 2020 

La Cour de cassation apporte un premier frein à cette extension en limitant l’application de la garantie décennale aux seuls éléments d’équipement destinés à fonctionner (insert, système de chauffage…) 

Autrement dit, sont exclus les éléments d’équipement dissociables qui ne sont pas destinés  à « fonctionner » tels que l’enduit de façade, les carrelages ou les cloisons… 

 

21 mars 2024 

Après 7 années d’application de la jurisprudence de 2017, la Cour de cassation en revient désormais à une interprétation restrictive de l’article 1792 du Code civil en excluant son application aux « quasi-ouvrages ». 

La Cour énonce que : 

 « si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs » 

La responsabilité décennale reste en revanche applicable lorsque les éléments d’équipements dissociables sont installés au moment de la réalisation de l’ouvrage. 

Dans un tel cas de figure, la construction neuve est, en réalité, regardée comme un ouvrage unique et la responsabilité décennale peut trouver à s’appliquer aux éléments d’équipement dissociables. 

 

Conclusion

Seule la responsabilité contractuelle pourra être mise en œuvre à l’encontre de l’installateur d’éléments d’équipement sur existants, ce qui supposera la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. 

Reste que la distinction entre la notion d’élément d’équipement et d’ouvrage peut s’avérer ténue. 

Il est donc préférable de consulter son conseil notamment pour savoir si l’activité doit être couverte par l’assurance obligatoire ou non.   

 

Article rédigé par Raphaël Papin

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